Le portable des années 1900, l'e-mail avant la lettre, c'est la carte postale. D'un coût modique, elle est fiable, sûre. Qu'elle représente une rue, un petit métier, une scène pittoresque, un commerce ou un groupe, la vulgarisation de la photographie est à l'origine de cet engouement. Ces millions de vues nous renseignent sur l'habitat, les conditions de vie, l'habillement, le commerce... Elles nous montrent la France au tout début XX° sous ses moindres aspects.

dimanche 22 avril 2012

Se souvenir du Marais Poitevin


800 cartes postales, 500 pages, 3 kilos. Le Deux-Sévrien Guy Brangier nous offre un livre-fleuve sur le Marais Poitevin entre la fin du XIX° siècle et 1960.




Les robes aux lourds tissus se portaient longues, les messieurs soignaient leur moustache. Les coiffes de ces dames répondaient aux feutres usés des ouvriers agricoles. Les chemins s'empoussiéraient derrière les premières autos, le crottin parsemé sur les routes trahissait le passage encore frais des charrettes. Les lavandières s'arc-boutaient dans les bras de la rivière, le maréchal-ferrant avait du boulot et les gamins en blouse se laissaient promener dans les carrioles à chien… Ainsi allait la vie il y a un siècle, dans le Marais poitevin…

 " Toutes les communes du Marais figurent dans ce livre "

C'est à ce voyage dans le passé que nous invite le Deux-Sévrien Guy Brangier, avec « Se souvenir du Marais poitevin », un imposant ouvrage de 500 pages, illustré de près de 800 cartes postales des Deux-Sèvres, de la Vendée et de la Charente-Maritime. « C'est le premier livre qui couvre l'ensemble du Marais en cartes postales », revendique l'auteur, professeur d'histoire au collège de Prahecq et correspondant de la NR sur le canton.

Pour couvrir la centaine de communes qui s'étirent depuis le bassin-versant du Marais jusqu'à la mer, il a notamment puisé dans le très riche fonds du Parc interrégional du Marais, un travail d'exploration mené avec la complicité de Guy Barbaud et Denis Allard, du Parc naturel.


Au-delà de la carte

Les communes les plus photogéniques lui ont offert des trop-pleins d'images. Pour d'autres, comme la discrète bourgade charentaise de Saint Cyr du Doret, Guy Brangier a dû se faire explorateur, enchaînant les brocantes et vide-greniers pour extirper des bacs des cartophiles la matière de son ouvrage.

Surtout, il n'a pas confiné ce souvenir du Marais poitevin dans les tons sépia de la nostalgie facile. « J'ai voulu enrichir cet ouvrage de faits divers, de chroniques judiciaires, d'articles d'opinion ou d'extraits des bulletins paroissiaux, explique-t-il. Car à travers ces documents, juxtaposés aux images et aux petites notices que j'ai écrites pour souligner une activité, un personnage, une anecdote, on appréhende mieux le mode de vie et de pensée de l'époque, ça rend le récit plus humain ».


Un récit plus humain

On lit ainsi qu'un passant a passé quarante-huit heures derrière les barreaux pour mendicité, qu'un miséreux volait des légumes pour s'offrir un peu de soupe, que le boulanger a été condamné pour avoir trafiqué sa farine… « C'est étonnant : la vie maraîchine d'il y a cent ans est le présent de millions de gens aujourd'hui en Afrique. L'eau en moins. Les scènes de vie représentées sur ces cartes postales, je les ai vues souvent lors de mes voyages en Éthiopie ». Nostalgique, Guy Brangier ? « Absolument pas ! Je considère plutôt ce travail comme une démarche sociologique ».

Une aventure humaine à fleur d'eau sur laquelle maraîchins, touristes et amoureux du Marais se laisseront porter pour remonter le temps.


Article paru dans la NR le 22 avril 2012

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